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Résultats du concours 2022
Après délibération du jury, voici les résultats de la 6ème édition du concours Africa Poésie 2022. Douze pays étaient représentés parmi les 42 candidats au concours. Le jury a choisi de récompenser cette année 5 lauréats, et les « Félicitations du jury » sont également attribuées à 6 candidats.
Un grand merci au jury, bravo à tous les participants ! Merci également aux membres du Comité d'organisation.
Le Président
Daouda MBOUOBOUO
Un bel article dans l'Adiac Congo sur notre lauréat 4ème prix :
Les lauréats :
1er prix : VOYAGE de Jules Marcel CHIENTEMOU (Cameroun)
2ème prix : GAKÓM DJO SI PÁ (Chant fraternel) de Harman KAMWA KENMOGNE (Cameroun)
3ème prix : MASSACRE DANS UN VILLAGE de Aliou BOUBACAR MODI (Niger)
4ème prix : CHANTS DES INITIÉS de Alvie MOUZITA (Congo Brazza)
5ème prix : ÉLÉGIE POUR LA PAIX de Sara Augustine Laurence TIMB (Cameroun)
Félicitations du Jury :
Mon enfant de Nadège EKOUNDA JACKY (Cameroun) ;
L’orphelin de Gloria NDINGLAR (Tchad) ;
I will have a dream de Jean-Pierre Noël BATOUM (Cameroun) ;
Le berceau de l’Imzad de Jean-Marc PERCIER (France) ;
Les silences de Alain ROUSSEAU (France) ;
Dans nos cendres mêlées de Arnaud VENDÈS (France).
Composition du Jury :
Président :
M. Daouda MBOUOBOUO
Président de la Société des Poètes et Artistes du Cameroun (SPAC) ; Président fondateur d’Africa Poésie ; Ecrivain - Poète ; conférencier ; juriste ; Ambassadeur du Forum International pour l’Humanité et la Créativité du Cameroun (IFCH), Membre de la World Conference of Poet (WCP) ; Membre du Haut Conseil International de la Langue française et de la Francophonie (HCILFF).
Membres :
Mme Imene LATACHI
Poétesse, elle prépare une thèse de doctorat en littérature francophone à l’Université de Mostaganem (Algérie).
Dr Paul YADJI (dit Paul Sorey)
Poéte et enseignant-chercheur de spécialité littérature africaine et anthropologie culturelle à l'Université de Ngaoundéré (Cameroun). Il est titulaire d'un Doctorat/Ph.D. en Lettres; membre du Comité de langue gbaya; animateur socioculturel et communicateur des radios-communautraires ( Unesco).
M. Thierry SAJAT
Poète, directeur- fondateur des Editions Thierry Sajat, de la revue Le Journal à Sajat, Président de l’Académie De La Poésie Française (ADLPF), membre de différents Cercles et Associations Littéraires à Paris et en Province, ainsi que de la SPAC. Ambassadeur de la République de Montmartre, fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur.
Dr Abdias MABARD ( dit Abdias Mabar Kazga)
Poète camerounais (Extrême-Nord), Docteur en Littérature comparée, responsable de collections, rédacteur. Membre de la SPAC et d’autres associations littéraires.
Rapporteur- Secrétaire :
Mme Cath LEFEBVRE
Poétesse ; Déléguée France et chargée de communication internet de la SPAC; Adhérente de la Maison de la Poésie des Hauts de France. Assistante administrative et Comptable.
Aide à la réception des textes : M. Julien BERNARD, auteur, compositeur-musicien, membre de la SPAC; Pofesseur de soutien scolaire.
POÈMES LAURÉATS DU CONCOURS AFRICA POESIE 2022
1er prix : Voyage
J’irai boire à la source du grand Noun(1),
Je renaîtrai de ses eaux séminales
Pour porter la sagesse à la tribu qui danse sous la lune.
J’ai des dynasties qui voyagent dans mes veines
Depuis Narmer(2) jusqu’à Nchare Yen(3).
J’ai des soldats et des armées qui se battent dans mes os,
C’est le chant mystique du pouvoir depuis la nuit des temps.
La barque immense de mon sang
A traversé les âges et les arcanes de la mort,
Et voici que marchent ensemble dix mille peuples
Et dix mille rois.
Leurs pas comme le tonnerre grondent sous ma chair,
C’est avec eux que je marche, ma vie trace dans leur sillage.
Ma peau noire est une multitude de couleurs,
Mes yeux sombres sont une infinité de regards
Et mes bras robustes embrassent tout entière
La race des hommes,
Car je suis Dinqnesh(4) jusqu’au dernier souffle.
Je suis la racine et la sève, je suis la semence et le fruit,
Je suis l’aube des âges qui ont porté les cris de l’humanité
Et le jour jeune qui s’accomplit
Au rythme des gratte-ciel qui arpentent les nues.
Et comme chaque nouveau jour est un jour ancien,
Fleur périssable sous les yeux impassibles des divinités,
Je suis un obscur griot sorti des abysses des âges
Pour refaire le chemin vers la mamelle unique,
Où ont tété toutes les races de la terre.
Elle est bosselée et laide, dit-on, elle est intense et gracieuse
Finalement.
Sa destinée tracée dans sa chair morcelée, dans sa veine intrépide,
Dans son corps paré de pierreries,
Commence où sont enterrés les sanglots du sacrifice,
Depuis l’enfantement des humains jusqu’aux chaînes de l’esclavage.
J’irai boire à la source du grand Noun
A la mémoire des grands singes-nègres
Qui, les premiers, ont possédé les sourires de la mère heureuse,
De la dame provende d’où jaillissent toujours des senteurs convoitées
Et quand mes mains toucheront son corps nu
Où reposent les fétiches des clans antiques,
Des saints qui ne sont pas dans les cieux cent fois invétérés,
De Toutankhamon(5) , Soundjata(6), Shaka(7), et vous qui êtes morts
Pour que nous soyons des hommes aux yeux du monde,
Quand je sentirai les crânes de mes aïeux
Qui dorment dans les tombeaux de l’oubli,
Et que le sacrifice tué, l’huile versée sur la place de leur dormition
Ne seront plus sorcellerie,
J’engrosserai ma terre de ma veine séminale,
Pour qu’elle porte l’enfant éternel du salut de l’homme.
Voici la femme pleine que jamais plus
On n’éventrera pour dévorer la progéniture :
Le fruit de mes labeurs, la verdure de mes sacrifices.
Elle sort du bain purificateur, lavée des poussières du calvaire,
Lavée des souillures du viol colonial.
Elle est tout entière pureté : pureté végétale, pureté minérale, pureté animale
Et elle regagne sa place au milieu du ciel,
Sa place perdue dans le décombre des races.
Et me voici au sommet de la chaîne des couleurs
Comme la bannière en berne de l’humanité déchue.
J’ouvre la toile d’ébène de mon âme profonde,
De ma race-artisan qui est berceau de toutes les races.
Et tous les hommes qui sont de partout,
Sont d’ici d’abord, comme ceux qui nous assassinent,
Nous fuient, nous nient, mais partout où iront leurs pas,
Seront toujours d’ici…s’ils sont Homme.
Jules Marcel CHIENTEMOU (Cameroun)
[1] L’océan primordial dans la mythologie égyptienne; [2] Roi de la première dynastie égyptienne ( ?-3125 Av. notre ère) ; [3] Fondateur du royaume bamoun (1370-1418); [4] Nom amharique de Lucy, fossile bipède découvert en Ethiopie en 1974 ; (5) 11e Pharaon de de la XVIIIe dynastie égyptienne (1341 av J-C-1323 av J-C) ; (6) Fondateur de l’empire du Mali (1217-1255); (7) Fondateur du royaume Zoulou en Afrique du Sud (1787–1828).
2ème prix : GAKÓM DJO SI PÁ
(Chant fraternel)
Gakóm djo si pá
Avec les mots et les soupirs de Toumaï
Allons à la rencontre du passé
Pour conter au monde qui s'embrase
Les beaux récits du Commencement
Venez, frère d'ici et d'ailleurs
Djo si pá
Avec la cithare des pharaons
Reprenons les chants millénaires
Pour réveiller les dernières momies
Et danser avec le faste des pyramides
La Danse du Kungne
Gakóm djo si pá
Au banquet de Soundjata Keita
Allumez les lampes du palais
Grincez les belles dents de la kora
Et chantons
Chantons avec les griots du continent noir
Les succès et les déboires de nos pères
Chantons avec les mots du cœur
Pour indiquer aux enfants perdus
Le chemin de la maison
Bibe ware nguímèn
Du nord au sud
Venez avec le nectar des calebasses
Venez avec le djembé des ancêtres
Pour procurer aux pieds qui dansent
Les sensations du paradis
Ware nguímèn
Autour du grand feu des enfants d'Afrique
Rendons hommage à la nature qui pleure
Et traçons les sentiers du matin
Fámfá pà lusí djúb
Avec les tambours des pères fondateurs
Reprenons les merveilles d'Ismaël Lô et d'Anne-Marie Nzié
Pour dissiper les relents du noctambulisme
Et redresser le portrait de la fraternité
Gakóm djo si pá
Sortez de vos maisons
Ware wámèn
Dansez avec le sourire des étoiles
Et chantez encore et toujours
Les versets sacrés de l'humanité.
Wáre sobadjò
Indíl là a sārè am
Voici, ma maison t'appartient
Mes enfants aussi
Viens et mangeons ensemble le mil de mes champs
Buvons le bil-bil des brasseries artisanales
Et cherchons les parfums de la paix
Indíl là sobadjò
Allons sur les terres de l'Apartheid
Indíl là a wúro Mandela
Pour prêter la semence du fokang
Néguendéé ?
A mòt o nà yá ?
Ne pleurez plus
Déjà résonnent dans les ciels du continent
Les cymbales ardentes des musiciens d’autrefois
Gakóm djo si pá
Chantons avec Johnny Clebb
Les mirages des grandes batailles
Et les miracles de la liberté
Fámfá pà lusí djúb
Djo si pá
Chantons avec la dernière énergie
La beauté de la vie
Gakóm djo si pá
La faim a sa fin
Et toute fin, un nouveau départ
Venez dans ma hutte
Je vous invite
Mèté gnón karmò ne sukà
Dans les bras du soleil levant
Le couscous n’a point de secret
Mangeons et chantons
Avec les faveurs du ciel
Retraçons la mémoire de Mbartoua
Pour dire à ceux qui passent par là
Les messages de la sagesse
Edìng a ne vé ?
Kungne làm rá ?
Les réponses sont là
Dans le souffle qui soutient la chair
L'AMOUR s’écrit en majuscule
Dans les chœurs d’Afrique
Les offres de paix se bousculent
A mòt, a míngá
Madìng wá
Nà tóndì wá
Méng ngwès wè
Mì yí' dì mà
Les langues sortent du silence
Pour révéler les secrets du cœur
Indíl là sobadjò
Indíl là a Nigéria
Allons porter aux fils de Maiduguri
Le sourire des greniers de Grand-mère
Et le kola des dieux
Indíl là a Maputo
Avec le geste du pompier
Chantons les derniers requiem
Au cimetière de la misère
Gakóm djo si pá
Sortez de vos maisons
D'Ebolowa a Bitam
Encodez le Nkul du village
Caressez les cordes du Mvet
Jouez le Balafon sacré de Mveng
Et laissez la musique trahir au vent
Les immondices de ce monde immonde.
Manké lónguě
Chantons avec les instruments de chez nous
De Pouma à Mapubi
Chauffez les mintúmbá
Pour la communion des fils de Ngog Lituba
Manké lónguě
Chantons les berceuses du village
Essuyons les larmes de misère
Et brandissons le nouveau fokang
Indíl là magnán
A manké túkenét Somalie
Pour anesthésier les mitrailleuses
Et donner une chance à la vie
Gakóm djo si pá
Avec les mots de Talla André-Marie
Chantons au pied de la palabre :
Ensemble donnons-nous la main.
Nkunkúmá a ne vé ?
Nomtemá' lam rá ?
Au palais de la prison
Ou à la prison du palais
Les sourires sont ridés
Gakóm djo si pá
Fámfá pa lúsi djub
Chantons
Sans rancune aucune
Gakóm djo si pá.
A manké tukenét
Allons sur les traces des pères du continent
Allons au pays des hommes intègres
Allons rendre un hommage vibrant
Et récolter au pied des baobabs les grains du succès...
Allons mes frères
Allons danser
Écoutez
Par ici et par là dans le ciel
Résonnent les voies des machettes
Par ici et par là
Chantent pêle-mêle marteaux, pelles, bêches...
Oh fils de mon père
Gakóm djo si pá.
Harman KAMWA KENMOGNE (Cameroun)
Glossaire :
- Gakóm djo si pá : Frères, chantons.
- Djo si pá : chantons.
- Kungne : entente, amour, paix.
- Bibe ware nguímèn : les enfants, venez danser.
- Ware nguímèn : venez danser.
- Fámfá pà lusí djúb : frères, levons-nous et chantons.
- Wáre sobadjò : viens, mon ami.
- Indíl là a sārè am : je t’invite dans ma case.
- bil-bil : boisson artisanale.
- Indíl là sobadjò : allons, mon ami
- Fokang : l’arbre de paix
- Indíl là a wúro Mandela : allons au village de Mandela.
- Néguendéé ? : que se passe-t-il ?
- A mòt o nà yá ? : Mon frère, comment vas-tu ?
- Mèté gnón karmò ne sukà : venez manger du couscous aux feuilles de manioc.
- Edìng a ne vé ? : où est l’amour ?
- Kungne làm rá ? : où est passé l’entente ?
- A mòt, a míngá : mon frère, ma sœur
- Madìng wá : je t’aime
- Nà tóndì wá : je t’aime
- Méng ngwès wè : je t’aime
- Mì yí' dì mà : je t’aime
- Nkul : tam-tam
- Mvet : instrument de musique proche de la guitare
- Manké lónguě : frères, chantons
- Indíl là magnán : allons, mon frère
- A manké túkenét Somalie : mon frère, allons en Somalie
- Nkunkúmá a ne vé ? : où est le chef ?
- Nomtemá' lam rá ? : où est allé le roi ?
- A manké tukenét : mon frère, allons
3ème prix : Massacre dans un village
Une douce femme à terre dans son village
Pleurait profondément, son beau petit enfant
Dans ses bras fatigués. Le beau ciel, fou de rage,
Vit un grand village sur un feu sidérant.
Des criminels avec leurs cœurs noirs et leurs armes
Ont tant déshonoré, tué, brisé, détruit…
Ô grand monde amer ! Qui sonnera les alarmes ?
Oh ! Sur terre, l’homme a bien perdu le bon fruit.
Un climat sombre, laid, morose et bien macabre
Faisait vomir les yeux et les gros intestins.
Mères, filles, hommes : tués sous un grand arbre,
Gisaient comme des vers. Je pleure ces destins !
Tant d’âmes détruites, tant de morts ! C’est bien triste !
Beaucoup de fruits bons et sagaces, près de leurs
Pères, crevèrent tels des lombrics. Cette liste
Est longue. Le monde a bien perdu ses couleurs.
Hélas ! Trop de dangers gîtent sur cette terre.
Dans ce village pur, le bonheur fut jeté
Dans une rigole. Comme un coup de tonnerre,
Mon tendre cœur meurtri pleure avec fermeté.
Ô la femme est belle ! Mon Dieu, cette fleur douce
Charmante et subtile ne vit pas pour souffrir
À cause d’un méchant et vil vent qui courrouce.
Sans haine et sans faucher, l’homme doit secourir.
Les gentils bambins de cette riche bourgade
Ne quêtaient que l’amour dans un monde de paix.
Pour un monde meilleur sans mal, ni bastonnade,
Sans regretter, l’homme doit brûler ses surfaix.
Aliou BOUBACAR MODI (Niger)
4ème prix : Chants des initiés
Je dirai ton nom, Afrique !
Hosannah sur les savanes, hosannah sur les fleuves
Là-haut les palmes ont balancé un souffle fertile des chants
Un souffle fertile qui berce et rythme les cordes des koras
Les cordes comme l’or qui dort sous les mers sans cobras
Afrique des tam-tams virils, Afrique des fiers guerriers aux sabres qui rutilent
Et pour déraciner les plaies qui germent sur nos lèvres
J’invoque l’ouragan qui arrache les périls
J’invoque les tourbillons qui sifflent en silence depuis les tourbières des divinités glorieuses
Il y aura paix à cueillir à l’arbre fécond des libertés
Il y aura l’orage à crever pour semer les joies aux sillons emperlés d’amour qui se moire
Il y aura l’histoire à feuilleter pour récolter une mémoire
Et nous serions feu au Mbongui, feu issu des nuits dont je frotte le nombril
Et nous serions tous greffés à l’arbre aux fruits de fraternités
Aux fruits d’un paysage qui présage l’arrivée des chants des initiés
Écoutons le chant d’aurore, écoutons le nouveau chant d’Afrique parmi les champs des villages
retrouvés
Voici arrive le feuillage des temps où la fraicheur des rosées polira nos mains pour mieux bercer
l’horizon sans décombre des alizées
Et la trahison sera avalée par les bouches des volcans
Et mon totem qui ordonne l’Afrique d’habiter litanie des paroles perlières, bourdonnera sur les
fleurs des liturgies sans fin
Voici mon fétiche lapide les chaines qui bloquaient ses ailes
Voici mes songes ne sont plus sobres à l’envol d’Afrique vers une verdure de liberté céleste !
Car il fleurit dans nos veines un fleuve qui coule en toute fleuraison d’alevins
Et viennent les troupes d’espoir où les clochettes confèrent un murmure de colombe sous les
jambes d’arc-en-ciel
De ce que mon Afrique s’est libérée des abîmes torrentiels
Voici hosannah sur les savanes, hosannah sur les fleuves pour ton nom que chantent les astres au
rythme sonore des tam-tams des initiés
Alvie MOUZITA (Congo Brazza)
5ème prix : Élégie pour la paix
Je suis venue à vous par le ruissellement de mon sang
Par la voix d'un blessé sur les tranchées
Par l'évanescence d'un cri oublié
Dans le blizzard ballottant
Je suis venue à vous parmi les affligés
Affrétée du bleu que doit la mer au ciel
Fermée aux mensonges des espiègles
Dans leurs mains creuses tels de faux aumôniers
Je suis venue à vous pour me livrer sans barguigner
Le sang des justiciers badigeonné sur mes socquettes
Ayant mis sous le blé quelques notes dans ma musette
Que me pèsent les mots comme véracité à prouver
Je suis venue à vous dans la misère et la mendicité
Des bouches qui imploraient, barbouillées de poussière
D'abeilles égarées et solitaires
Qu'un vent de misère a de faim sustentée
Je suis venue ridée de la calamité de cette saison
Qui bat au glas les champs, l'espérance et les rêves
Dans la pâleur de ce printemps de misère
C'est vrai que la géhenne n'attend pas la fin de la fauchaison
Je suis venue livrer la gabelle des pourritures
Aux criquets des closeries rasées
Je suis venue déposer mon cœur à la margelle du puits des traités oubliés
Regardez-le émietter et abandonner en vaine pâture
Je suis venue lever votre indifférence
Dans la brume que traque le soleil
Avec nos mots pour nos plaies
Arrachés aux collets des coquelicots qui se balancent
Je suis venue les mains vides et les pieds nus
Pour mendier la paix et la justice
Sur les rives des eaux humanistes
Je suis venue à vous qu'on me dise qui es-tu
Je suis le NOSO
Qui ne compte plus les corps sous sa peau
Je suis une terre épouvantée
Par le sifflement incessant des obusiers
Je suis la goutte de sang de trop
Entends-tu son triste écrasement sur cette terre en sanglots
Je suis la fille violée
Qui dans le silence s'est réfugiée
Je suis une femme éventrée
Regarde mes larmes chaudes et salées
Je suis ces écoliers assassinés
Entendez-vous leurs âmes qui crissent le long de la vallée
Je suis un blessé oublié
Que la mort va certainement retrouver
Je suis un enfant affamé
Entendez-vous le cliquetis de mon squelette dans la cité
Je suis un réfugié
Mon cœur bat sur mes plantes de pieds
Je suis un exilé
Un jour le temps va me rappeler
Je suis dans les décombres à Ngarbuh
Je sais qu'un jour on va me retirer dessous
Je suis un enfant oublié dans les ruines abandonnées
Je sais qu'un jour on va me retrouver
Je suis un affligé
Épris de paix
Et je marche le long de ces nuits affamées
Espérant cueillir la justice et la paix comme unique lumière.
Sara Augustine Laurence TIMB (Cameroun)