Résultats Concours Africa Poésie 2018

A l’issue des présélections des 155 poèmes reçus, 78 poèmes ont été soumis aux membres du Jury, pratiquement 1/3 traite des thèmes de l’Afrique, la liberté, la démocratie. Les autres poèmes s’appesantissent sur la femme, la mère, l’amour, etc. Certaines textes sont vraiment poétiques, avec du rythme, de la musicalité, une floraison d’images. D’autres textes sont plus prosaïques se rapprochant beaucoup plus de la narration, de l’argumentation et même de l’essai. Enfin quelques poèmes manifestent des insuffisances formelles et des problèmes de syntaxe.

Après lecture attentive et examen des textes, le jury s’est prononcé sur des poèmes qui tranchent par rapport aux autres et présentent une certaine originalité aussi bien thématique que formelle, ce sont les suivants :

 

1er prix : Le sang de la savane de  PORFILIO Léo (France)

2ème prix Ex aequo :

               Lumière de vers  de BOUAHMED Boualem (Algérie)

    La belle ouvrière de EVEMB’A NDITO  Ruth Rose (Cameroun)

3ème prix : Yéla sur la route de soi de ETTOUBAJI Imane (Maroc)

4ème prix : A voix basse de ERVENSHY Jean-Louis (Haïti)

5ème prix : Sous le jupon de la poésie de ALCEUS Claude-Bernard Elio (Haïti)

 

Jury :

Président :

Dr Ndongo Mbaye

Docteur es-lettres, sociologue et journaliste ; Professeur Associé Universités et Grandes Ecoles (Dakar) ; Poète-écrivain ; Directeur de Département ICPR à Yène ; Responsable de la Collection « Paroles Arc en Ciel » aux Editions «  Lettres de Renaissances ».

Membres :

Mme Cath Lefebvre

Poétesse, Membre de la Maison de la Poésie des Hauts de France​ ; Déléguée France de la Société des Poètes et Artistes du Cameroun (SPAC).

Pr Chantal Bonono

Doctorat/PhD ès Lettres ; Professeur Université de Yaoundé I/ Ecole Normale Supérieure de Yaoundé ; Poétesse et Romancière.

M. Daouda Mbouobouo

Président de la Société des Poètes et Artistes du Cameroun (SPAC) ; Président fondateur Africa Poésie ; Ecrivain –poète ; juriste ; Vice PCA de la Société Civile des droits de la Littérature et des Arts Dramatiques(SOCILADRA).

 

Félicitations aux lauréats ! Et merci à tous les participants au concours

Nous vous disons à très vite.

Bien poétiquement

Le Jury et le comité d'organisation

 

Bel article le 14.06.18 sur Le National.org  Haïti :

https://www.lenational.org/post_free.php?elif=1_CONTENUE/culture&rebmun=2797

 

POEMES LAUREATS DU CONCOURS AFRICA POESIE 2018

 

                         1er prix : Le sang de la savane

                                               La lionne

 

Sous les grands parasols d’un acacia piteux,

La lionne enfouit ses prunelles pistache

Dans les juteuses chairs desquelles se détache

Un parfum de victoire intense et capiteux.

 

Comme la viande est fraîche et l’ambre duveteux,

Sur son pelage en feu, le sang fait une tache

Et perle en fins rubis aux brins de sa moustache

Que le vent fait trembler dans le soir velouteux.

 

Son poitrail essoufflé trempe dans la carcasse,

Elle arrache un trophée à l’os qui se fracasse,

Le garde entre les dents pour nourrir ses amours,

 

Et rapporte, en marchant au pas d’une pavane

Le plus noble butin de toute la savane

Que n’emporteront pas les sinistres vautours.

                            *

                   Les vautours

 

Quand les chats de la plaine ont mené leurs besognes,

Quand ils ont égorgé l’antilope et les bœufs

Et que fume la chair sur le théâtre herbeux,

Du ciel tombe un vol brun de cruelles cigognes.

 

Dans les ventres ouverts, mille vautours ivrognes

Plongent leur cou pelé qu’allonge un bec gibbeux

Et, fourrés au buffet des intestins bourbeux,

Ils se saoulent du sang qui baigne les charognes.

 

Sur les cornes parfois, en venant s’y percher,

Ils ouvrent dans le vent, pour les faire sécher,

Leurs ailes de harpie aux purpurines franges,

 

Et n’ayant rien laissé des vivres corrompus,

Le lugubre escadron des convives repus

S’enlève, triomphant comme un bataillon d’anges.

                             *

                      Les chacals

 

Sur le sable embaumé de putrides haleines,

Le cassimbo roulait, plein d’ombre et de lenteur,

Et portait dans son cours toute la puanteur

Des cadavres rongés par les chacals des plaines.

 

S’étant oints avec soin de l’huile des baleines,

Ils chassent, en masquant leur sauvage senteur,

Le phoque qui se traîne en sa grasse moiteur

Et qui gonfle ses yeux comme deux lunes pleines.

 

Pendant que leurs parents dépècent un dauphin,

Les petits, maladroits, exhortés par la faim,

Trempent dans le gibier leurs truffes violettes.

 

Un jour, viendra leur tour d’aimer et d’enseigner

L’art noble de l’assaut, la façon de saigner

Et la route qui mène au jardin des squelettes.

                             *

                      Les girafes

 

Un mâle vit un soir, dans un arbre vermeil,

Une jeune femelle à la crinière rousse,

Sublime, et dont la lèvre aussi large que douce

Paissait les acacias au plus près du soleil.

 

Un autre prétendant, le désir en éveil,

Éperonna l’orgueil du prince de la brousse

Qui, dans ce fol élan que la fierté courrouce,

N’écouta de son cœur que le brûlant conseil.

 

Notre mâle fondit sur l’intrus congénère,

Reçut un coup de corne abrupt et sanguinaire,

Mais d’un revers du cou terrassa l’assaillant.

 

La femelle, agitant le pinceau de sa queue,

Vint alors se blottir au flanc du plus vaillant

Et lécha son sang pourpre avec sa langue bleue.

                              *

                       L’éléphant

 

Cependant que rugit la faune carnassière,

Il allonge son ombre aux feux occidentaux

Et la lumière coule en flamboyants cristaux

Dans ses rides d’argent qu’épouse la poussière.

 

Il marche et, sur le sol que rien ne désaltère,

Menant derrière lui tous ses éléphanteaux,

Il fait trembler, serein, par les vastes plateaux,

Son pas lourd et fumeux qui fendille la terre.

 

Comme un croissant de lune aux portes de la nuit,

Sous sa trompe onduleuse, une défense luit ;

Ses frères confiants la poursuivent à l’amble.

 

Dans la fauve épaisseur de jaunes camaïeux,

Guidés par la mémoire, ils rejoignent ensemble

La source généreuse où sont nés leurs aïeux.

                               *

                        L’autruche

 

Un sage du village apprenait à l’Enfant

Qu’il ne suffisait pas d’exister pour bien vivre,

Qu’il fallait méditer et voir dans chaque livre

Quelque trophée offert à l’esprit triomphant.

 

Il racontait qu’un homme éveillé se défend

Comme un fauve veillant sur l’horizon de cuivre,

Qu’il ne laisse jamais les charognards le suivre

Et qu’en sage, il progresse ainsi que l’éléphant.

 

« Le sang ne doit couler que s’il transmet la vie

Et l’homme qui combat la souffrance et l’envie

Doit être une antilope avant d’être un requin. »

 

L’Enfant pensait pourtant qu’il suffisait d’un songe

Comme, pour s’évader, l’autruche qui s’allonge

Rêve d’un jardin bleu dans le ciel africain.

 

                                                PORFILIO Léo (France)

 

 

   2ème prix  ex aequo : Lumière de vers

 

Que les vers que voici

Te rendent éternelle

Toi mon âme troublée

Par les battements d’ailes

Des oiseaux nocturnes

Au ramage noirâtre

Ennemis de saturne

Et des brillants astres

 

Que les vers que voici

Te rendent fraternel 

Toi mon cœur bouleversé

Par les chants de haine

Qui sortent des gosiers

Des chiens, des hyènes

Qui sont sans pitié

Et plein de blasphèmes

 

Que les vers que voici

Te rendent  vainqueur 

Toi mon âme offensée

Par les cris de terreur

Poussés par des bouches

Tétant encore le sein 

Tués dans leurs couches

Dans une guerre sans fin

 

Que les vers que voici

Te rendent véridique

Toi mon cœur ballotté

Par les sciences iniques

Qui t’emmènent très haut

Qui t’enfoncent très bas

Amplifiant tes mots

Tes doutes, tes combats

                                                                                                  

Que les vers que voici

Aube d’une ère nouvelle

Soient une source de vie

De pain et de miel

Pour ton cœur, ton âme

Tourmentés, erratiques

Par une chaîne de drames

Apocalyptiques

 

Que les vers que voici

Cri de victoire

Te servent de nid

Quand tombera le soir

Sur tes jours langoureux

Qui s’allongent et s’étirent

Telles les flammes d’un feu

Rougeoyant qui respire

 

Que les vers que voici

Chants d’espoir

Percent l’infini

Et les voiles noires

Par leurs mots limpides

Leurs rythmes instables

Là, ils sondent le vide

Ailleurs le palpable.

 

                           BOUAHMED Boualem (Algérie)      

 

2ème prix  ex aequo : La belle ouvrière

 

Perchée sur le Kilimandjaro

Une vieille dame réparait

Avec sa plume et ses mots

Sa bâtisse qui scintillait

Elle se servait de clous nègres

Aux abysses suants d’espoir

De phonèmes

De monèmes

Doux ou aigres

Beaux grimoires

 

Vieille au visage trimillénaire

Qui ressemblait à une mage

Profonde beauté interstellaire

Vieille au milliard de visages

Ajoutait à coups tonnants

Des pièces de vers éblouissants

A ces civilisations

De pagne

Pour des nations

De poigne

 

Renforçant et frappant

Ce bel édifice d’unité

D’une strophe de sentiments

D’amour, de progrès et de bonté

Pour les besoins de l’ouvrage

Elle faisait pleuvoir en cortège

Des florilèges

De pensées

Des messages

De solidarité

 

Vieille femme, O belle poésie !!

Hier logée rue lamma sabactani

Œuvre pour la paix en Afrique

Et soude cette belle mosaïque…

 

        EVEMB’A NDITO  Ruth Rose (Cameroun)

 

3ème prix : Yéla sur la route de soi

 

Sénégal ! Je t’appelle et oui je me rappelle

Le sol de Joal et la porte de Gorée

Eaux ancestrales qu’en ces lieux j’ai repleurées

Fierté viscérale qu’en ton nom j’épèle.

 

Terre de Téranga qui me fut salutaire

Reçois cet hommage qui, bien que fébrile,

Entend porter la voix dont je suis légataire

Trop longtemps muselée, aujourd’hui volubile.

 

 Écoute ! C’est un chant que je ne peux plus taire.

Berceuse maternelle de rêves enfouis

Elle a réveillé le château et m’a éblouie.

 

Ma voix résonne partout en toi Mère Afrique

Et j’entonne pour tes terres un Amour lyrique

Moi, fille de poètes nomades et sédentaires.

 

ETTOUBAJI Imane (Maroc)

 4ème prix : A voix basse

                                                                           à l'aube

Où les printemps se présenteront nus

                                                         dans tes mains silex

je réécrirai ton visage

sur mon coeur

dépoussiéré d'amour et d'étoiles

                                               Chuuut      

                                                                   il pleuvine

                                                                   sur les ordures

                                                                   ce soir

                                                                   les dieux pleurent

 

tu te promènes dans mes rêves décapités

avec mon âme empaillée sous tes bras

au boulevard de nos solitudes

je décroche les étoiles du ciel

une par une

pour en faire un grand collier blanc

autour de ton ombre

                                                                    pourquoi danses-tu

                               la danse de mes poussières

désacralisées

au regard

des couples

nus de l'océan

                                                                    Ô cheveu

         d'oiseau

         frôlant

         ta jupe

                       s'envole

                                                                   se noie

à voix basse

                                                                     une hirondelle

dans l'esthétique des mosaïques

blues

cuivré

au coin des lèvres d'Armstrong

                                                                                                                                             

                        ERVENSHY Jean-Louis (Haïti)

 

5ème prix : Sous le jupon de la poésie

 

Sous le jupon de la poésie,

C’est là que mon aventure imaginaire

Transforme les lettres isolées en des mots magiques

Et ces mots, je les convertis en vers de volcan

 

Sous le jupon de la poésie,

C’est là où pensées et émotions

S’unissent comme deux sœurs jumelles

Pour exprimer leurs sentiments

À travers le cœur de mes cinq sens

 

Sous le jupon de la poésie,

C’est là que j’ai eu l’opportunité

De jouer avec les sons dans un rythme solennel

Pour dissiper l’inépuisable battement de mon cœur

 

Sous le jupon de la poésie,

C’est là que je peux écrire

Mes fantasmes sanglants et désastreux

Et le stress qui tue mon âme endolorie

 

Sous le jupon de la poésie,

C’est l’atterrissage de mes lourdes larmes

Chimériques et colériques

Bousculées par le destin aux mines sombres

 

C’est encore sous le jupon de la poésie,

Que je marie le réel féroce

Avec l’imaginaire souffrant

Pour enfanter de la musicalité angoissée et mélancolique

 

ALCEUS Claude-Bernard Elio (Haïti)