A l’issue des présélections des 155 poèmes reçus, 78 poèmes ont été soumis aux membres du Jury, pratiquement 1/3 traite des thèmes de l’Afrique, la liberté, la démocratie. Les autres poèmes s’appesantissent sur la femme, la mère, l’amour, etc. Certaines textes sont vraiment poétiques, avec du rythme, de la musicalité, une floraison d’images. D’autres textes sont plus prosaïques se rapprochant beaucoup plus de la narration, de l’argumentation et même de l’essai. Enfin quelques poèmes manifestent des insuffisances formelles et des problèmes de syntaxe.
Après lecture attentive et examen des textes, le jury s’est prononcé sur des poèmes qui tranchent par rapport aux autres et présentent une certaine originalité aussi bien thématique que formelle, ce sont les suivants :
1er prix : Le sang de la savane de PORFILIO Léo (France)
2ème prix Ex aequo :
Lumière de vers de BOUAHMED Boualem (Algérie)
La belle ouvrière de EVEMB’A NDITO Ruth Rose (Cameroun)
3ème prix : Yéla sur la route de soi de ETTOUBAJI Imane (Maroc)
4ème prix : A voix basse de ERVENSHY Jean-Louis (Haïti)
5ème prix : Sous le jupon de la poésie de ALCEUS Claude-Bernard Elio (Haïti)
Jury :
Président :
Dr Ndongo Mbaye
Docteur es-lettres, sociologue et journaliste ; Professeur Associé Universités et Grandes Ecoles (Dakar) ; Poète-écrivain ; Directeur de Département ICPR à Yène ; Responsable de la Collection « Paroles Arc en Ciel » aux Editions « Lettres de Renaissances ».
Membres :
Mme Cath Lefebvre
Poétesse, Membre de la Maison de la Poésie des Hauts de France ; Déléguée France de la Société des Poètes et Artistes du Cameroun (SPAC).
Pr Chantal Bonono
Doctorat/PhD ès Lettres ; Professeur Université de Yaoundé I/ Ecole Normale Supérieure de Yaoundé ; Poétesse et Romancière.
M. Daouda Mbouobouo
Président de la Société des Poètes et Artistes du Cameroun (SPAC) ; Président fondateur Africa Poésie ; Ecrivain –poète ; juriste ; Vice PCA de la Société Civile des droits de la Littérature et des Arts Dramatiques(SOCILADRA).
Félicitations aux lauréats ! Et merci à tous les participants au concours
Nous vous disons à très vite.
Bien poétiquement
Le Jury et le comité d'organisation
Bel article le 14.06.18 sur Le National.org Haïti :
https://www.lenational.org/post_free.php?elif=1_CONTENUE/culture&rebmun=2797
POEMES LAUREATS DU CONCOURS AFRICA POESIE 2018
1er prix : Le sang de la savane
La lionne
Sous les grands parasols d’un acacia piteux,
La lionne enfouit ses prunelles pistache
Dans les juteuses chairs desquelles se détache
Un parfum de victoire intense et capiteux.
Comme la viande est fraîche et l’ambre duveteux,
Sur son pelage en feu, le sang fait une tache
Et perle en fins rubis aux brins de sa moustache
Que le vent fait trembler dans le soir velouteux.
Son poitrail essoufflé trempe dans la carcasse,
Elle arrache un trophée à l’os qui se fracasse,
Le garde entre les dents pour nourrir ses amours,
Et rapporte, en marchant au pas d’une pavane
Le plus noble butin de toute la savane
Que n’emporteront pas les sinistres vautours.
*
Les vautours
Quand les chats de la plaine ont mené leurs besognes,
Quand ils ont égorgé l’antilope et les bœufs
Et que fume la chair sur le théâtre herbeux,
Du ciel tombe un vol brun de cruelles cigognes.
Dans les ventres ouverts, mille vautours ivrognes
Plongent leur cou pelé qu’allonge un bec gibbeux
Et, fourrés au buffet des intestins bourbeux,
Ils se saoulent du sang qui baigne les charognes.
Sur les cornes parfois, en venant s’y percher,
Ils ouvrent dans le vent, pour les faire sécher,
Leurs ailes de harpie aux purpurines franges,
Et n’ayant rien laissé des vivres corrompus,
Le lugubre escadron des convives repus
S’enlève, triomphant comme un bataillon d’anges.
*
Les chacals
Sur le sable embaumé de putrides haleines,
Le cassimbo roulait, plein d’ombre et de lenteur,
Et portait dans son cours toute la puanteur
Des cadavres rongés par les chacals des plaines.
S’étant oints avec soin de l’huile des baleines,
Ils chassent, en masquant leur sauvage senteur,
Le phoque qui se traîne en sa grasse moiteur
Et qui gonfle ses yeux comme deux lunes pleines.
Pendant que leurs parents dépècent un dauphin,
Les petits, maladroits, exhortés par la faim,
Trempent dans le gibier leurs truffes violettes.
Un jour, viendra leur tour d’aimer et d’enseigner
L’art noble de l’assaut, la façon de saigner
Et la route qui mène au jardin des squelettes.
*
Les girafes
Un mâle vit un soir, dans un arbre vermeil,
Une jeune femelle à la crinière rousse,
Sublime, et dont la lèvre aussi large que douce
Paissait les acacias au plus près du soleil.
Un autre prétendant, le désir en éveil,
Éperonna l’orgueil du prince de la brousse
Qui, dans ce fol élan que la fierté courrouce,
N’écouta de son cœur que le brûlant conseil.
Notre mâle fondit sur l’intrus congénère,
Reçut un coup de corne abrupt et sanguinaire,
Mais d’un revers du cou terrassa l’assaillant.
La femelle, agitant le pinceau de sa queue,
Vint alors se blottir au flanc du plus vaillant
Et lécha son sang pourpre avec sa langue bleue.
*
L’éléphant
Cependant que rugit la faune carnassière,
Il allonge son ombre aux feux occidentaux
Et la lumière coule en flamboyants cristaux
Dans ses rides d’argent qu’épouse la poussière.
Il marche et, sur le sol que rien ne désaltère,
Menant derrière lui tous ses éléphanteaux,
Il fait trembler, serein, par les vastes plateaux,
Son pas lourd et fumeux qui fendille la terre.
Comme un croissant de lune aux portes de la nuit,
Sous sa trompe onduleuse, une défense luit ;
Ses frères confiants la poursuivent à l’amble.
Dans la fauve épaisseur de jaunes camaïeux,
Guidés par la mémoire, ils rejoignent ensemble
La source généreuse où sont nés leurs aïeux.
*
L’autruche
Un sage du village apprenait à l’Enfant
Qu’il ne suffisait pas d’exister pour bien vivre,
Qu’il fallait méditer et voir dans chaque livre
Quelque trophée offert à l’esprit triomphant.
Il racontait qu’un homme éveillé se défend
Comme un fauve veillant sur l’horizon de cuivre,
Qu’il ne laisse jamais les charognards le suivre
Et qu’en sage, il progresse ainsi que l’éléphant.
« Le sang ne doit couler que s’il transmet la vie
Et l’homme qui combat la souffrance et l’envie
Doit être une antilope avant d’être un requin. »
L’Enfant pensait pourtant qu’il suffisait d’un songe
Comme, pour s’évader, l’autruche qui s’allonge
Rêve d’un jardin bleu dans le ciel africain.
PORFILIO Léo (France)
2ème prix ex aequo : Lumière de vers
Que les vers que voici
Te rendent éternelle
Toi mon âme troublée
Par les battements d’ailes
Des oiseaux nocturnes
Au ramage noirâtre
Ennemis de saturne
Et des brillants astres
Que les vers que voici
Te rendent fraternel
Toi mon cœur bouleversé
Par les chants de haine
Qui sortent des gosiers
Des chiens, des hyènes
Qui sont sans pitié
Et plein de blasphèmes
Que les vers que voici
Te rendent vainqueur
Toi mon âme offensée
Par les cris de terreur
Poussés par des bouches
Tétant encore le sein
Tués dans leurs couches
Dans une guerre sans fin
Que les vers que voici
Te rendent véridique
Toi mon cœur ballotté
Par les sciences iniques
Qui t’emmènent très haut
Qui t’enfoncent très bas
Amplifiant tes mots
Tes doutes, tes combats
Que les vers que voici
Aube d’une ère nouvelle
Soient une source de vie
De pain et de miel
Pour ton cœur, ton âme
Tourmentés, erratiques
Par une chaîne de drames
Apocalyptiques
Que les vers que voici
Cri de victoire
Te servent de nid
Quand tombera le soir
Sur tes jours langoureux
Qui s’allongent et s’étirent
Telles les flammes d’un feu
Rougeoyant qui respire
Que les vers que voici
Chants d’espoir
Percent l’infini
Et les voiles noires
Par leurs mots limpides
Leurs rythmes instables
Là, ils sondent le vide
Ailleurs le palpable.
BOUAHMED Boualem (Algérie)
2ème prix ex aequo : La belle ouvrière
Perchée sur le Kilimandjaro
Une vieille dame réparait
Avec sa plume et ses mots
Sa bâtisse qui scintillait
Elle se servait de clous nègres
Aux abysses suants d’espoir
De phonèmes
De monèmes
Doux ou aigres
Beaux grimoires
Vieille au visage trimillénaire
Qui ressemblait à une mage
Profonde beauté interstellaire
Vieille au milliard de visages
Ajoutait à coups tonnants
Des pièces de vers éblouissants
A ces civilisations
De pagne
Pour des nations
De poigne
Renforçant et frappant
Ce bel édifice d’unité
D’une strophe de sentiments
D’amour, de progrès et de bonté
Pour les besoins de l’ouvrage
Elle faisait pleuvoir en cortège
Des florilèges
De pensées
Des messages
De solidarité
Vieille femme, O belle poésie !!
Hier logée rue lamma sabactani
Œuvre pour la paix en Afrique
Et soude cette belle mosaïque…
EVEMB’A NDITO Ruth Rose (Cameroun)
3ème prix : Yéla sur la route de soi
Sénégal ! Je t’appelle et oui je me rappelle
Le sol de Joal et la porte de Gorée
Eaux ancestrales qu’en ces lieux j’ai repleurées
Fierté viscérale qu’en ton nom j’épèle.
Terre de Téranga qui me fut salutaire
Reçois cet hommage qui, bien que fébrile,
Entend porter la voix dont je suis légataire
Trop longtemps muselée, aujourd’hui volubile.
Écoute ! C’est un chant que je ne peux plus taire.
Berceuse maternelle de rêves enfouis
Elle a réveillé le château et m’a éblouie.
Ma voix résonne partout en toi Mère Afrique
Et j’entonne pour tes terres un Amour lyrique
Moi, fille de poètes nomades et sédentaires.
ETTOUBAJI Imane (Maroc)
4ème prix : A voix basse
à l'aube
Où les printemps se présenteront nus
dans tes mains silex
je réécrirai ton visage
sur mon coeur
dépoussiéré d'amour et d'étoiles
Chuuut
il pleuvine
sur les ordures
ce soir
les dieux pleurent
tu te promènes dans mes rêves décapités
avec mon âme empaillée sous tes bras
au boulevard de nos solitudes
je décroche les étoiles du ciel
une par une
pour en faire un grand collier blanc
autour de ton ombre
pourquoi danses-tu
la danse de mes poussières
désacralisées
au regard
des couples
nus de l'océan
Ô cheveu
d'oiseau
frôlant
ta jupe
s'envole
se noie
à voix basse
une hirondelle
dans l'esthétique des mosaïques
blues
cuivré
au coin des lèvres d'Armstrong
ERVENSHY Jean-Louis (Haïti)
5ème prix : Sous le jupon de la poésie
Sous le jupon de la poésie,
C’est là que mon aventure imaginaire
Transforme les lettres isolées en des mots magiques
Et ces mots, je les convertis en vers de volcan
Sous le jupon de la poésie,
C’est là où pensées et émotions
S’unissent comme deux sœurs jumelles
Pour exprimer leurs sentiments
À travers le cœur de mes cinq sens
Sous le jupon de la poésie,
C’est là que j’ai eu l’opportunité
De jouer avec les sons dans un rythme solennel
Pour dissiper l’inépuisable battement de mon cœur
Sous le jupon de la poésie,
C’est là que je peux écrire
Mes fantasmes sanglants et désastreux
Et le stress qui tue mon âme endolorie
Sous le jupon de la poésie,
C’est l’atterrissage de mes lourdes larmes
Chimériques et colériques
Bousculées par le destin aux mines sombres
C’est encore sous le jupon de la poésie,
Que je marie le réel féroce
Avec l’imaginaire souffrant
Pour enfanter de la musicalité angoissée et mélancolique
ALCEUS Claude-Bernard Elio (Haïti)
